Hommage au Docteur Jules Aimé MICHAUD

(1842 – 1878)

Voici une chronique citoyenne, écrite par notre citoyenne et amie Isabelle CHRISTOPHE

Le nom du Docteur Charcot (1825 – 1893) ne vous est peut être pas inconnu. Cet éminent médecin du XIXe siècle, fondateur de la neurologie et psychiatrie moderne, est à l’origine d’un abondant travail qui contribua à des avancées médicales majeures sur des maladies telles que la goutte, la maladie de Parkinson, la sclérose en plaques ou la sclérose latérale amyotrophique (S.L.A.), appelée aujourd’hui communément maladie de Charcot. A partir de 1870, il s’intéresse particulièrement à l’hystérie et à l’hypnose comme traitement.[1]

Ses travaux se distinguent par sa méthode anatomo-clinique, laquelle consiste d’une part, à étudier les symptômes durant la maladie, par une description minutieuse des signes cliniques de ses patients (photos et croquis à l’appui) ; et d’autre part, à l’autopsie et l’analyse au microscope des lésions correspondantes sur des coupes de cerveau ou de moelle épinière des patients autopsiés.[2]

Dès 1866, Jean Martin Charcot donne des cours publics à la Salpêtrière (Paris) qui attirent de nombreux étudiants. Jusqu’en 1870, son enseignement est consacré aux maladies des personnes âgées. Ses élèves deviendront de grands neurologues et psychiatres. Parmi ses 32 internes : Jules Aimé MICHAUD.[3]

L'AUTEUR : Isabelle CHRISTOPHE

Native de Reims (Marne), citoyenne de Meximieux depuis 2016 et membre actif de notre association. Très jeune, elle se passionne par  l’histoire contemporaine et plus particulièrement l’histoire individuelle des combattants de la Première Guerre Mondiale. Pendant plusieurs années (sur Reims et dans les Ardennes), elle a contribué à la préservation des monuments funéraires oubliés de soldats français et allemands de la Première Guerre Mondiale.  En tant que membre de l’Association des Amis de Vauquois et du Deutsches Erinnerungskomitee Argonnerwald, elle a participé au recensement des galeries souterraines et vestiges de la Première Guerre Mondiale en Argonne.

Une leçon de Charcot à La Salpêtrière : tableau de André Brouillet (1857-1914) présenté au salon de 1887 (3m *4,25m), visible à la Faculté de médecine,  Rue Ecole de Médecine,  Paris 6e

Jules Aimé MICHAUD est né, le 11 novembre 1842, à Péron – Logras (Pays de Gex – Ain)[4]. Il est le petit-fils du Docteur Alexandre COLLETTA (1796 – 1880) et fils du Docteur Pierre MICHAUD (1814 – 1888), tous deux médecins résidant à Meximieux. Il est l’aîné d’une fratrie de 6 enfants. Après avoir fait ses études au petit séminaire de Meximieux, puis au collège de Thoissey, il part étudier la médecine à Lyon en 1860.

Lauréat de l’Ecole de Médecine en 1862, interne des hôpitaux en 1863, il concourt pour l’externat et l’internat à Paris.

Durant son internat à Paris, Jules Aimé MICHAUD s’attache à deux maîtres :

  • le Docteur VERNEUIL, qui lui permit de compléter ses connaissances chirurgicales de façon solide,
  • le Docteur CHARCOT, auprès duquel il reste durant deux ans (1870-1871) et qui l’initie aux méthodes précises d’investigation.[5]

Jules Aimé MICHAUD – 1871

O. Walusinski – Jules Aimé Michaud

Site internet : https://baillement.com/internes/michaud.html, site consulté en 2024

Jules Aimé MICHAUD est interne à Paris quand, le 19 juillet 1870, la France déclare la guerre à la Prusse. D’emblée, le service médical s’organise afin de venir au secours des futurs blessés. Plus de 200 docteurs, 500 étudiants en médecine, 500 pharmaciens et autant d’élèves se portent volontaires au service des blessés.[6] Le 02 septembre 1870, l’armée de Mac Mahon capitule à Sedan et Napoléon III se rend. Le nouveau gouvernement de la Défense nationale de Gambetta proclame la fin de l’Empire et l’avènement de la République, le 04 septembre. Il ne faut pas quinze jours pour que Paris soit encerclée par l’armée prussienne.[7]

Le siège de Paris mobilise davantage la communauté médicale et scientifique. De septembre 1870 à février 1871, Paris compte 64154 morts, soit trois fois plus que l’année précédente pour la même période. Le temps passe et la famine s’installe. [8]

Jules Aimé MICHAUD se dévoue auprès des malades et se prodigue dans les ambulances. Subissant les affres du froid, de la faim et des angoisses liées au siège de Paris, sa santé se fragilise.

Il soutient néanmoins sa thèse, en 1871, de façon remarquable (médaille d’argent et mention « extrêmement satisfait »), sous la direction du Docteur Charcot. Intitulée « Sur la méningite et la myélite dans le mal vertébral : recherches d’anatomie et de physiologie pathologiques », sa thèse associe neurologie et chirurgie pour décrire les paraplégies pottiques (mal de Pott, du nom du chirurgien britannique Percivall Pott, connu pour ses travaux sur cette maladie). Reçu docteur, il concourt pour la place de chirurgien à l’Hôtel-Dieu de Saint Etienne et l’emporte brillamment.

Couverture de la thèse de J.A. MICHAUD

Cependant, après trois ans environ, les forces lui manquant, il est obligé de donner sa démission. Après quelques mois de repos mais soutenu par une énergie indomptable, il concourt pour le majorat de la Charité de Lyon et est nommé chirurgien de cet hôpital en novembre 1876.[9]

Le rôle du chirurgien major à la Charité de Lyon est de seconder le médecin, lequel effectue une visite quotidienne. Célibataire, il demeure dans l’établissement, qui est alors son seul lieu de fonction, et est nommé pour 6 ans. Il est chargé d’assister le médecin lors de ses visites, de surveiller les pansements, la distribution des médicaments et les régimes alimentaires. Il a également la responsabilité des opérations et des accouchements difficiles. Il exerce enfin des fonctions d’enseignement : chirurgie, anatomie et accouchements. Le chirurgien major est lui-même assisté par des garçons-chirurgiens. Ils sont d’abord choisis parmi les « adoptifs »[10] de plus de 14 ans de la Charité, puis recrutés sur concours.[11]

Planche II de la thèse de J.A. MICHAUD

Coupes de moelle épinière venant illustrer ses observations

Œuvre de M. Gombault, interne à la Salpêtrière, collègue et ami de J.A. MICHAUD

Extrait de l’éloge funèbre de M. Fochier, chirurgien de l’hôpital de Lyon (1878) :

« Il ne se bornait pas à donner des soins attentifs et dévoués aux malades que lui confiait l’Administration des hôpitaux, il ne refusait jamais un renseignement, ni un conseil aux élèves qui étaient attachés à son service. »

Jules Aimé MICHAUD passe les hivers de 1876/1877 à Nice, puis de 1877/1878 à Alger. Le 20 février 1878, à la sortie d’une conférence d’officiers, il s’affaisse subitement place de Chartres à Alger. Transporté à la pharmacie Gémy, il y décède prématurément à l’âge de 35 ans. Les constations de décès réalisées par le Docteur Rey attribuent la mort à une hémoptysie foudroyante (expectoration de sang pur en provenance des voies respiratoires profondes) liée à une affection pulmonaire remontant à plusieurs années. Après les constatations légales opérées par la police, son corps est transporté à l’hôpital Mustapha Pacha d’Alger[12]. Son décès est transcrit sur les registres d’état civil de Meximieux au 21 février 1878.[13]

Il est inhumé, le 26 février 1878, à Meximieux.

Extrait de l’éloge funèbre de M. DELORE, ancien chef de service des Hôpitaux de Lyon (1878) :

« Il venait d’une famille où l’honneur, le travail et le dévouement sont des traditions héréditaires. Il n’était point né pour la lutte qui se sert de l’intrigue et qui engendre l’inimitié, il était fait pour occuper le premier rang. Aux plus solides dons de l’esprit, il unissait les qualités du cœur et il savait, par son caractère empreint de calme et de loyauté, se faire aimer et conquérir des sympathies inaltérables. (…) Sur le vaste théâtre de la capitale, il acquit des titres scientifiques sérieux qui faisaient si bien augurer de son avenir, et il se fit remarquer par le zèle qu’il déployait au service des malades. C’est en leur prodiguant des soins avec une généreuse imprudence pendant le siège de Paris que sa santé subit la rude atteinte dont elle n’a pu se relever. »[14]

Travaux du Docteur Jules Aimé MICHAUD[10] :

  1. Expériences sur la greffe du chancre induré au cochon de l’Inde. En collaboration avec Legros. (Société de biologie, 1867)
  2. Note sur l’état de la moelle épinière dans un cas de pied-bot congénital double. (Archives de physiologie, 1870)
  3. Anatomie pathologique du système nerveux central et périphérique dans le tétanos traumatique. (Archives de physiologie, 1871)
  4. De la méningite et de la myélite dans le mal vertébral. (Thèse de doctorat, 1871)
  5. Lésions nerveuses de l’oreille interne dans un cas de surdi-mutité. (Journal de Robin, 1874)
  6. Observation sur le goitre épidémique de la garnison de Saint-Etienne. (Gazette médicale de Paris, 1874)
  7. Etat du système nerveux dans un cas de mal perforant du pied. (Lyon Médical, 1876)
  8. Divers mémoires dans les Annales de la Société de médecine de Saint-Etienne. – Note sur deux cas d’erysipèle. – Opération césarienne. – Corps étranger de l’orbite. – Traitement de l’hygroma prérotulien, …

Sources :

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Martin_Charcot site consulté en 2024

[2] Florence Rosier – Jean Martin Charcot, la face cachée d’un neurologue – Le Monde – 2012

[3] O. Walusinski  – Biographies des internes de Jean-Martin Charcot à La Salpêtrière entre 1862 et 1893 – Site internet : https://baillement.com/internes/internes_index.html consulté en 2024

[4] Notice FRAD001 – EC LOT77448 – Péron – 1841-1842 – Acte N°35

[5] Lyon médical : Gazette médicale et Journal de médecine réunisSociété médicale des hôpitaux de Lyon. – 06 janvier 1878 – Pages 328 à 333 – Consultable sur Gallica.bnf.fr

[6]  Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie – série 2, tome 07 – 1870 – Paris : V. Masson et fils – Cote : 90166 – Exemplaire numérisé : BIU Santé (Paris)

[7] Natalie Pigeard-Micault Faculté et Académie de médecine face à la Commune de ParisParlement[s], Revue d’histoire politique2012/2 (n° 18), pages 23 à 39

[8] JMCP, art. 9068, mai 1871, p. 144

[9] Lyon médical : Gazette médicale et Journal de médecine réunisSociété médicale des hôpitaux de Lyon. – 06 janvier 1878 – Pages 328 à 333 – Consultable sur Gallica.bnf.fr

[10] L’une des fonctions principales de l’hôpital de la Charité de Lyon était l’accueil, l’entretien et l’éducation des enfants orphelins. Les enfants, nés de parents mariés et orphelins par décès des parents, étaient placés sous la tutelle directe des recteurs. L’adoption par les hôpitaux avait pour unique base la bienfaisance et son but était de continuer les rapports de paternité et de filiation. Chaque adoption avait lieu publiquement au Bureau des assemblées, en présence des parents les plus proches de l’enfant, qui renonçaient à sa succession. L’administration faisait procéder aux scellés, inventaires et ventes des meubles appartenant à l’adoptif. Les immeubles étaient affermés quand ils n’étaient pas d’une gestion trop onéreuse. Dans le cas contraire, ils étaient vendus aux enchères, et le prix de vente versé dans la caisse du recteur trésorier. L’administration jouissait des biens de l’adoptif pendant le cours de l’adoption. Source : https://www.archives-lyon.fr/sites/aml/files/2021-03/IR_enfants_abandonnes.pdf

[11] https://www.patrimoine-lyon.org/secteur_unesco/presqu_ile/ainay-3/l-hopital-de-la-charite

[12] Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire – 28 février 1878 – Consultable sur Gallica.bnf.fr

[13] Notice FRAD001-EC Lot 59238 Meximieux 1877-1878 Acte N°12

[14] Lyon médical : Gazette médicale et Journal de médecine réunisSociété médicale des hôpitaux de Lyon. – 06 janvier 1878 – Pages 328 à 333 – Consultable sur Gallica.bnf.fr